Dans ma famille, on se tuait de mère en fille. Mais c’est fini. Il y a longtemps déjà, je me suis promis qu’accidents et suicides devaient s’arrêter avec moi. Ou plutôt, avant moi.
Sauve qui peut la vie ! J’aime cette expression. C’est le titre d’un film de Jean-Luc Godard de 1980. Mais lui, il avait mis des parenthèses à (la vie), comme une précision, une correction de trajectoire. Le sauve-qui-peut, c’est la débandade, la déroute. Le sauve qui peut la vie, c’est la ligne de fuite, l’échappée parfois belle. J’en fais volontiers ma devise.
Il m’a fallu du temps pour comprendre que ce qui était une manière d’être – une tendance à parier sur l’embellie, un goût de l’esquive, un refus des passions mortifères, une appétence au bonheur envers et contre tout –, avait aussi profondément influencé ma façon de penser.
J’aimerais que ce livre, écrit sur fond de drames passés, collectifs et privés, soit une lecture revigorante, une sorte de fortifiant pour résister au mauvais temps présent.
272 p., août 2015 — EAN 9782021283709 — Lire un extrait
Prix Medicis Essais 2015
En janvier 2020, Nicole Lapierre a par ailleurs publié, aux éditions du Seuil, édité par Maurice Olender, Faut-il se ressembler pour s’assembler ?
Presse (sélection) :
Julie Clarini, Le Monde des Livres, “Nicole Lapierre esquive la mort“, 15 septembre 2015 : “Avec Sauve qui peut la vie, la sociologue signe un récit littéraire pour évoquer les siens, entre intime et universel. Poignant. (…) Tout dans ce récit fait souffler une vivifiante incertitude entre les sévères portiques de nos évidences, à commencer par ce que sont l’ici et l’ailleurs, le héros et la victime. A bien y regarder, du reste, c’est toujours les passages et les allers-retours qui intéressent Nicole Lapierre : entre son histoire intime et les questions universelles, entre le silence et la mémoire, entre le plomb et la plume – métaphores dans ce livre-ci du désespoir et de la joie – et, bien sûr, entre la vie et la mort. C’est là qu’elle chemine avec ceux qui ne sont plus, dans le refus des catégories tranchées, soucieuse que la fidélité soit toujours celle d’« une mémoire en alerte ». Et il nous prend l’envie d’y guetter avec elle l’horizon où se dessine le monde de demain”.
Nathalie Crom, Telerama, 14 septembre 2015 : “L’exil est un des thèmes, que l’actualité rend particulièrement saillant, autour desquels la socio-anthropologue Nicole Lapierre a construit ce mince et fortifiant ouvrage, dans lequel sa réflexion et son autobiographie se trouvent ouvertement liées — la première ancrée dans la seconde, sans y rester enfermée, sans y tourner en rond, bien au contraire, et l’air circule dans les pages de Sauve qui peut la vie, on y respire même à grandes et vivifiantes bouffées. L’exil, donc, expérience vécue par le père de l’auteure, polonais et juif, qu’elle n’érige pas en destin exemplaire mais dont elle souligne comment il l’a incitée à s’interroger sur « les aventureux des temps modernes » que sont les immigrés d’hier et ceux d’aujourd’hui, sur « les vertus du déplacement et le regard de l’étranger », les liens entre « la condition existentielle d’exilé » et l’esprit critique, la créativité, la capacité de dissidence. Un autre thème grave s’est imposé à Nicole Lapierre : la mort volontaire. « Dans ma famille on se tuait de mère en fille » est la phrase inaugurale de Sauve qui peut la vie — sa sœur, puis sa mère se sont donné la mort, et, méditant sur cette tragique répétition, elle se choisit notamment Jean Améry (l’auteur de Porter la main sur soi. Traité du suicide) et Hannah Arendt pour interlocuteurs. Cherchant non pas à « expliquer, pour tenter de maîtriser ce qui se dérobe », mais plutôt à sonder une fragilité, saisir une fêlure, « bercer un souvenir […] à défaut d’avoir su les prendre dans mes bras », cette mère, cette soeur aimées qu’elle ne veut « surtout pas réduire à leur ultime choix ». De ce mélange de tendresse, d’intelligence, de gravité, naît un livre inclassable et d’une admirable vitalité”.
Brunot Frappat, La Croix, “Les autres en nous“, 11 novembre 2015 : “Dans un très beau petit livre qui vient d’obtenir le prix Médicis essai, Nicole Lapierre reprend le fil de vies interrompues du temps même où elle n’était pas encore là, ou très jeune pour tout saisir. (…) Cette leçon de joie est lumineuse et fait plaisir à lire sous la plume d’une intellectuelle éprise de justice”.