Portrait de Maurice Olender par Roger-Pol Droit, Le Monde, 21 mai 2017

“Il existe un problème insoluble, quand on rencontre Maurice Olender : qui arrivera le premier ? (…) Ce n’est pas seulement un détail. En fait, il se pourrait que cet homme déconcertant fût toujours là « avant ». Reste à comprendre ce que cela veut dire. Serait-ce la seule façon pour lui de faire tant de choses en même temps ? Le moyen d’être – à la fois ? tour à tour ? avant tout ?… – un savant, un poète, un professeur, un directeur de revue, un éditeur. Car le paradoxe de Maurice Olender est d’être ici un érudit engagé, là un contemplatif suractif, partout un homme-orchestre qui professe accepter de ne rien maîtriser. (…) Le penseur engagé a fondé la revue Le Genre humain (Seuil), une soixantaine de volumes publiés, chaque numéro constituant un livre collectif sur un thème donné.

Et l’on ne saurait oublier qu’avec la collection « La librairie du XXe siècle » (« du XXIe » depuis le changement de millénaire…), qui a aujourd’hui plus de 200 titres à son catalogue, le savant est aussi éditeur, et parmi les plus inventifs – élitiste et intuitif, éclectique et combatif. Pour réussir tant de paris créatifs, intellectuels, culturels, commerciaux, il est évidemment nécessaire de vivre continûment en avance, en amont, parmi les signaux faibles, là où les processus s’amorcent. Mais cela ne dit pas encore comment Maurice Olender y parvient, pourquoi il se situe « avant ». Sans doute est-ce le poète, l’homme de l’autofiction et de l’action onirique, qui peut fournir les meilleurs éléments de réponse. Il habite souverainement le livre qui vient de paraître (Un fantôme dans la bibliothèque). (…)

Alors, comment fait-il ? « Le métier d’éditeur est fondé sur le pouvoir de dire “non”. Ce n’est pas le mien. Je rêve de publier quelqu’un avant de le lire. Une fois l’auteur choisi, qu’il soit déjà connu ou pas du tout, ce qui m’intéresse est d’accompagner son autorité. Dans ce travail, comme en amour, comme dans la vie, il faut d’abord accepter de ne pas vraiment savoir. Il faut accepter de ne pas maîtriser, d’avoir confiance en soi et d’avancer comme un funambule sur une corde raide. » Voilà qui peut probablement éclairer la question insoluble dont nous sommes partis : ceux qui marchent sur des cordes raides sont là avant tout le monde. Pourquoi ? Parce qu’on ne sait jamais. Voilà : simplement, absolument, on ne sait jamais. Cela peut s’entendre de quantité de façons différentes. Maurice Olender les explore”.

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