Jean Schwoebel, La Presse, le pouvoir et l’argent. préface de Paul Ricoeur, avant-Propos d’Edwy Plenel

Il arrive que la presse n’ait pas bonne presse. Ce fut le cas, il y a cinquante ans, durant les événements de mai et juin 1968. On vit alors fleurir des affiches qui ne faisaient pas dans la nuance. L’une montrait une bouteille de poison accompagnée de cette mise en garde : « Presse. Ne pas avaler. » Une autre rendait un verdict sans appel : « Toute la presse est toxique. » D’autres encore, visant l’audiovisuel public, présentaient un policier casqué avec ce commentaire : « La police vous parle tous les soirs à 20 h. »

Or, au même moment, on pouvait trouver dans les librairies un livre qui contredisait cette vision uniforme d’une presse ligotée et de journalistes asservis. Ce livre, c’est celui-ci, La Presse, le Pouvoir et l’Argent de Jean Schwœbel, sorti aux Éditions du Seuil précisément en ce printemps 1968. La nouvelle édition de cet ouvrage pionnier permet de mettre en évidence l’actualité d’une tradition, celle de rédactions se battant pour l’indépendance de leurs médias.

« Résister, c’est créer. Créer, c’est résister » : cette formule a souvent inspiré la génération de la Résistance, celle de Jean Schwœbel et de ses collègues, dont les combats inauguraux nous aident, aujourd’hui, à inventer les réponses qui manquent. L’un des grands mérites de ce livre est de nous transmettre cette énergie vitale. Il fait plaisir, en nos temps saisis par les peurs et, hélas, travaillés par les haines, d’y lire un éloge intraitable du non-conformisme.

Jean Schwœbel n’hésite pas à plaider pour une presse qui inquiète ses lecteurs, les dérange et les bouscule. Une presse qui préfère les politiser au sens le plus noble du terme, de souci du commun et de l’autre, plutôt que de les divertir et de les distraire.

Edwy Plenel

Journaliste français, Jean Schwœbel (1912-1994) fut le premier président de la première Société des rédacteurs en France, celle du quotidien Le Monde. Il fut également président de la Fédération française des sociétés de journalistes. Il a notamment publié Les Deux K, Berlin et la paix (Julliard, 1963).

367 p., mars 2018 —  EAN 9782021391206
Le Monde diplomatique (1968) : “Ouvrage passionné et passionnant, posant autant de questions qu’il en résout, le livre de Jean Schwœbel est un acte de courage, de franchise et de compétence. A une époque où l’on privilégie les balancements harmonieux et les positions timides, Jean Schwœbel s’affirme résolument contre la liberté de la presse, conçue comme simple liberté d’entreprise et aussi résolument pour la liberté de la presse conçue comme service d’intérêt public. L’information, en effet, comme le rappelle M. Paul Ricœur dans sa préface, « seule peut faire des spectateurs intelligents des citoyens actifs ».”
Soirée Coïncidences, organisée par Maurice Olender et François Vitrani, à la Maison de l’Amérique latine, autour d’Edwy Plenel, accompagné de l’historien André Burguière, des journalistes Carine Fouteau et Claire Mayot, des éditeurs Stéphanie Chevrier et Maurice Olender, 22 mars 2018 (Lire ici).
Photos de la rencontre ici.