Les expériences du temps sont multiples. Chaque société entretient un rapport particulier avec le passé, le présent et le futur. En comparant les manières d’articuler ces temporalités, François Hartog met en évidence divers « régimes d’historicité ».
Ulysse en Phéacie ou les Maori de Fidji ont d’autres types de souvenirs que les personnages bibliques. Douze siècles séparent Ulysse des Confessions d’Augustin, qui s’inscrivent dans un régime d’historicité proprement chrétien.
Dans l’ancien régime d’historicité, le passé éclaire l’avenir. Après la Révolution de 1789, le temps est accélération et la leçon vient du futur. Se met en place le régime moderne d’historicité. Chateaubriand ne cesse par son écriture de passer de la rive de l’ancien à celle du régime moderne.
Dans les deux dernières décennies du XXe siècle, la mémoire est venue au premier plan. Le présent aussi. Histoire du présent, Les Lieux de mémoire ont exploré ces mots du temps: commémoration, mémoire, patrimoine, nation, identité. Tandis que le temps lui-même devenait, toujours plus, objet de consommation et marchandise.
Historien attentif au présent, François Hartog observe la montée en puissance d’un présent omniprésent, qu’il nomme « présentisme ». Cette expérience contemporaine d’un présent perpétuel, chargé d’une dette tant à l’égard du passé que du futur, signe, peut-être, le passage d’un régime d’historicité à un autre.
Serait-on passé insensiblement de la notion d’histoire à celle de mémoire ?
Septembre 2003, 272 pages EAN 9782020593281
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• Martine Fournier, “Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps”, Sciences humaines, janvier 1992 : “(…) L’historien François Hartog nous livre ici un essai historiographique passionnant et érudit sur la manière dont les sociétés humaines appréhendent le temps et se pensent en fonction de ce maître des horloges. Entre un passé conçu comme « champ de l’expérience » et un avenir comme « horizon d’attente », selon les expressions de Claude Lévi-Strauss cité par l’auteur, ce dernier distingue en effet la diversité des rapports au temps (ce qu’il nomme les « régimes d’historicité ») qui ont existé dans l’histoire.
(…) Mais là où l’essai de F. Hartog prend toute son ampleur, c’est lorsqu’il nous emmène des premiers temps de l’ère chrétienne à notre monde de l’après-11 septembre, en reconstituant les étapes d’une histoire occidentale restée longtemps tendue sur un futur qui pourtant, aujourd’hui, paraît se diluer dans un principe d’incertitude.”