Lydia Flem, Comment j’ai vidé la maison de mes parents

L’héritage n’est pas un cadeau. Comment recevoir des choses que l’on ne vous a pas données ? Comment vider la maison de ses parents sans liquider leur passé, le nôtre ? Les premiers jours, je me persuadai que j’allais « ranger » et non pas « vider » la maison de mes parents. Il m’arriva plusieurs fois de prononcer un verbe pour l’autre.

Combien sommes-nous à vivre sans en parler à personne ce deuil qui nous ébranle ? Comment oser raconter ce désordre des sentiments, ce méli-mélo de rage, d’oppression, de peine infinie, d’irréalité, de révolte, de remords et d’étrange liberté qui nous envahit ? À qui avouer sans honte ou culpabilité ce tourbillon de passions ?

À tout âge on devient orphelin.

L.F.

160 p., mars 2004 — EAN 9782020653817

« Je suis pour les donations et contre les héritages. Il faudrait toujours faire un testament, désigner nommément ce qu’on souhaite léguer et à qui on le destine. La passation d’une génération à l’autre ne devrait pas aller de soi, elle devrait être un choix, une offrande, une transmission explicite, concertée, réfléchie, et non pas seulement une convention, un laisser-faire passif, une résignation. J’héritais, j’aurais aimé recevoir. »

« A chaque fois que mon regard et ma main considéraient quelque chose, un choix devait être pris. Combien de choses recèlent une maison, de la cave au grenier, combien de décisions cette habitation allait-elle m’obliger à prendre ? Des dizaines, des centaines, des milliers de fois, j’allais devoir évaluer un objet et décider de son sort : à la poubelle, à emporter, à donner, à essayer de négocier,… La catégorie « en attente » ou « on verra plus tard » se révéla la plus importante. Le statu quo l’emportait largement sur les quatre catégories prescrites par le bon sens. J’étais infiniment découragée. Cette maison me submergeait. »

• Josyane Savigneau, Le Monde, 26 mars 2004 : « En exergue d’un chapitre, Lydia Flem a placé cette phrase de Primo Levi : « J’écris ce que je ne pourrais dire à personne. » C’est une parfaite définition de ce court texte : une femme a écrit, pour tous, ce que chacun ne peut dire à personne, et en prenant cette liberté, elle l’a donnée à beaucoup d’autres. »

Au café Rostand, avec Olivier Barrot, « Un livre Un jour »

 

Se reporter, dans Journal implicite (Mep/La Martinière, 2013), aux photographies qui composent « Pitchipoï & Cousu main », « suite photographique à Comment j’ai vidé la maison de mes parents ou la Shoah vue par les yeux d’un enfant » (2010-2012).

Journal implicite et Comment j’ai vidé la maison de mes parents (DR)
Journal implicite et Comment j’ai vidé la maison de mes parents (DR)
Journal implicite et Comment j’ai vidé la maison de mes parents (DR)

En 2019, parution en un volume chez Points de la Trilogie familiale de Lydia Flem qui se lit comme le roman de la transmission sur trois générations d’une histoire d’amour, de deuil et d’orages émotionnels. Au moment de clore Comment j’ai vidé la maison de mes parents (2004), Lydia Flem n’a pas mis de point final. Aussi a-t-elle enchaîné avec les Lettres d’amour en héritage (2006), où elle raconte la correspondance amoureuse entre Boris et Jacqueline, ses parents. Dans la foulée, comme c’est au même moment que les parents nous quittent et que les enfants nous larguent, est né le troisième volet, Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils (2009).

Lire ici l’article de Camille Laurens dans Le Monde des livres (12 mars 2020), qui fait d’Une trilogie familiale son coup de cœur de l’été 2020.

Coups de cœur de l’équipe du Monde des Livres, été 2020. Le choix de Camille Laurens (DR)

 

 

Entretien avec Lydia Flem, Christine Marcandier (Diacritik). Bruxelles, 23 février 2020.