Jean Starobinski, L’Encre de la mélancolie

D’où viennent la tristesse profonde, le désespoir, le délire, la fureur, le suicide ?

Contre ceux qui invoquaient une cause surnaturelle ou une punition divine, la pensée médicale a fait prévaloir, dès l’Antiquité, une cause naturelle, une humeur du corps : la bile noire, c’est-à-dire la mélancolie. Sa noirceur, souvent comparée à celle du charbon ou de l’encre, était l’indice de son pouvoir maléfique. Cette humeur n’existait pas. Mais n’est-ce pas avec de l’encre que l’on écrit des poèmes?

Durant plus d’un demi-siècle des thèmes liés à la mélancolie ont orienté certains de mes travaux. Les voici rassemblés, grâce à l’amitié de Maurice Olender. Ce livre espère démontrer que la mise en perspective de la mélancolie peut donner lieu à un « gai savoir ».

Jean Starobinski

Signature de Jean Starobinski en 2° de couverture de L’Encre de la mélancolie

 

Postface de Fernando Vidal.
octobre 2012, 672 pages EAN 9782021083514

 

 

« Le suspens du sens », entretien avec Jean Starobinski (Sarah Al-Matary, La Vie des Idées, 27 novembre 2012, entretien vidéo et retranscription) : « Créer de la relation : telle est, depuis plus d’un demi-siècle, l’ambition de l’œuvre de Jean Starobinski. Œuvre généreuse et mouvante, construite à l’écoute de la vie, entre critique et clinique. La Vie des idées a rencontré ce citoyen du monde chez lui, à Genève (…).
Malgré la stature qu’il a acquise au long d’un demi-siècle d’activité intellectuelle, Jean Starobinski n’apparaît pas souvent à l’écran. Écrivain, professeur, Président des Rencontres Internationales de Genève (1967-1996), il a prôné une autre forme d’ouverture : celle qu’offre un comparatisme élargi, se déployant de la philologie à la politique, de la littérature à l’histoire des idées et des arts ; celle qu’offre une écriture soucieuse d’harmonie autant que de justesse.
Si Jean Starobinski a fait sienne la critique « subjective » des tenants de l’École de Genève (Georges Poulet, Marcel Raymond, Jean Rousset), c’est dans une juste distance avec ses objets. Articulant l’histoire des idées et l’analyse textuelle, il a ainsi brossé une anthropologie des états de pensée occidentaux, tous siècles et genres confondus. Tâche accomplie hors de tout dogmatisme, dans l’exploration dynamique des « styles ».
Cette approche sensible à ce que la civilisation a de mouvant, Jean Starobinski l’a développée dans le sillage d’une double formation menée entre Genève, Paris et Baltimore. Docteur ès lettres dès 1957, avec une étude dont l’acuité n’a pas été démentie — Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l’obstacle —, il consacre sa thèse de médecine à l’histoire du traitement de la mélancolie. La « Librairie du XXIe siècle » donne aujourd’hui à lire ce texte matriciel, déposé en 1959 (…). L’occasion, pour La Vie des idées, de revenir avec Jean Starobinski sur l’ensemble de sa production ».

Laurent Lemire, « Le Texologue », Livres Hebdo (19 octobre 2012) : « Jean Starobinski a bientôt 92 ans, il est suisse et il est critique littéraire. Rien à voir avec le journaliste qui donne un point de vue, une impression, ou dissimule une connivence. Lui est universitaire. Il traite les œuvres comme des montagnes textuelles. Non seulement il les gravit, mais il veut en connaître la roche, le climat, les origines. Il a à son actif plusieurs sommets : Rousseau, Diderot, Montaigne et quelques autres.
Mais un thème rassemble presque tout : la mélancolie. C’est à ce délicat tremblement de l’esprit que Jean Starobinski a consacré sa thèse en 1960, aujourd’hui éditée pour le grand public dans L’encre de la mélancolie, ouvrage qui reprend un demi-siècle de ses études sur le sujet. Une thèse de médecine ? Eh oui, la littérature peut être vue comme une pathologie. Après tout, pourquoi écrire si ce n’est pour dire ce qu’on ne peut vivre ? Tout est là ! Ce grand lecteur l’a bien compris. Depuis longtemps il sait que la littérature n’est pas utile au monde. Elle est le monde. Et cette terre-là, il lui faut l’explorer, avec quelques outils, beaucoup de connaissances dans différents domaines et un don certain pour faire surgir ce que l’auteur a voulu dissimuler.
(…)
Il appartient à cette « école de Genève », celle des Albert Béguin, Jean Rousset, Georges Poulet, Marcel Raymond, qui a montré que la critique littéraire, la vraie, était une discipline qui pouvait aussi donner de grands livres et entrer à son tour dans la littérature. (…) Avec Starobinski, nous nous faufilons subrepticement dans les chefs-d’oeuvre. Il nous montre quelques beaux points de vue. Pour que nous y laissions aussi notre regard s’y perdre. C’est comme cela qu’on forme des lecteurs heureux.

Élodie Maurot, La Croix : « Starobinski atteint le sommet de son art. »

Julien Burri, L’Hebdo Suisse, « L’ouvrage que d’aucuns attendaient depuis des années par l’un des plus grands penseurs de notre temps. »