Maurice Olender, « Lieux communs lieux divins » (Po&sie, Deguy, 2022)

Sans doute est-ce ici le dernier texte publié de son vivant par Maurice Olender, en hommage à Michel Deguy, dans le très beau numéro d’hommages coordonné par Martin Rueff et publié en octobre 2022 : « Lieux communs lieux divins ». Nous n’en reproduisons ici que les premiers paragraphes.

Rappelons que Maurice Olender avait publié A ce qui n’en finit pas de Michel Deguy en 1995 dans « La Librairie du XXIe siècle » (et une édition revue et augmentée du livre, en 2017.

CM

« Geste sans parole, il arrive qu’on tende à l’autre une feuille sur laquelle rien ne précède la signature – sans date, ni lieu : lamelle de feu, petit papier d’Arménie, mélodie sans partition dont l’intensité brûle le regard. Telle est l’image quand je tente de me souvenir de la première rencontre avec MD dont je ne sais plus rien. Pourtant on a bien dû se dire quelque chose. Mais quoi ?

Nous ne savions presque rien l’un de l’autre – si ce n’est que nous avions des amis communs dont sans doute nous ne savions pas grand-chose non plus.

Cette addition, qu’il serait hâtif de réduire à de la théologie négative, s’est imposée comme un échiquier sans pièces. Ou alors le jeu se déroulait sur une table, écritoire où les fous, les tours, les pions et les chevaux, une reine et un roi s’étaient travestis en signes d’un alphabet bariolé. Les règles, supposées régenter les déplacements, répondaient aux contraintes d’une grammaire de l’illisible. Nous savions que nous ne pouvions rien en deviner si ce n’est l’obligation de se glisser entre deux espaces pour y débusquer, non pas « la célèbre faille », mais ce qui menace la fragilité de tout blanc-seing.

Il n’est pas impossible que l’absence de récit qui marque une rencontre soit lié à un désir de blanc-seing- comme si toute mémoire mise en image, le moindre souvenir, pouvait blesser un rêve que seule une forme musique devenue silence pourrait préserver. » (…)

 

L’ensemble du texte peut être lu dans Po&sie, vol. 181-182, no. 3-4, 2022, pp. 179-184.