Penser le numérique en ces temps où une épidémie et une urgence sanitaire l’ont placé au centre du (télé)travail, de nos échanges et sociabilités, avec deux livres de “La Librairie du XXIe siècle” signés Milad Doueihi et un numéro de la revue Le Genre humain (2011/2) interrogeant La démocratie dématérialisée.
Le numérique a métamorphosé tous les systèmes de communication, comme le montre Milad Doueihi dans son essai de 2008, La Grande conversion numérique, créant de nouvelles réalités en politique, dans les media comme en économie. Technologie essentiellement collective, le numérique modifie radicalement la vie de chacun, le lien social même, mobilisant nos repères les plus tangibles : écriture et lecture, identité, présence, propriété, archive et mémoire.
Puisqu’il nous faut désormais prendre acte de la part fondamentale prise par le numérique dans nos vies individuelles comme collective, comment créer un humanisme numérique qui aurait intégré les exigences de nouveaux supports que rien ne permet de fixer dans l’espace ni de stabiliser dans le temps ? Claude Lévi-Strauss a reconnu « trois humanismes » dans l’histoire de l’Occident : un humanisme aristocratique de la Renaissance, un humanisme bourgeois et exotique du XIXe siècle et un humanisme démocratique du XXe siècle. Dans son essai, Pour un humanisme numérique, Milad Doueihi propose donc un « quatrième humanisme » numérique, celui de notre siècle débutant.
L’enjeu est immense comme le montre le numéro 51 de la revue Le Genre humain, La démocratie dématérialisée. Enjeux du vote électronique. Milad Doueihi souligne dans sa préface que “la culture numérique, on ne cesse de le répéter, modifie d’une manière inédite le paysage socio-politique de nos sociétés ; elle fragilise les intermédiaires classiques et invite les autorités comme les citoyens à imaginer un nouveau modèle du politique”. Les articles rassemblés par Laurence Favier dans ce numéro questionnent le rôle et le statut du vote électronique : « Le vote électronique pourrait introduire davantage qu’une nouvelle liturgie de l’élection : au-delà de la controverse technique, ce sont des catégories conceptuelles dont il s’agit de débattre, celles qui ont défini le vote comme mode de décision, en particulier le vote confidentiel comme expression démocratique.
Spécialistes de la cybersécurité, de l’informatique, du droit, de la communication, expert international dans l’observation des élections, les auteurs de cet ouvrage s’efforcent de saisir tant les spécificités juridiques que les enjeux politiques du vote électronique.
Cet ensemble de réflexions apporte une contribution critique à la “démocratie électronique” dont le vote “dématérialisé ”est la pierre angulaire. » (Laurence Favier)
Voir également la Soirée Coïncidences autour de ce “trio numérique”. Et le colloque de la BNF organisé par Milad Doueihi et Maurice Olender, “Pour un humanisme numérique » , 10 janvier 2012.